Écriture solitaire ? Pas avec l’alpha-lecture

En 2019, j’ai eu la chance de donner mon avis au sujet des plateformes littéraires.
Mes propos ont été recueillis par Manon Variol pour le média La Provence, et c’est cet article qui m’a donné l’idée d’écrire celui-ci.

Chers amis des mots,

En prévoyant d’écrire des articles thématiques sur ce blog, l’une de mes premières idées, c’était de vous parler de solitude. Parce qu’on a beau dire qu’écrire, ça fait du bien, il est quand même parfois difficile de surmonter ce manque de contacts devant notre écran ou notre carnet.

J’aimerais donc vous proposer quelques astuces qui m’ont permis d’émerger de mon cocon. Attention, je ne parle pas de sortie de zone de confort, mais plutôt d’un ressenti que j’ai observé chez plusieurs de mes collègues auteur·ice·s, et que j’ai envie de rendre plus agréable.

Note : sachez que mes observations sont subjectives et forcément influencées par mes propres valeurs. Parfois, elles sont alimentées par des sources, et parfois non. Je ne détiens aucune vérité et vous non plus, mais j’aime partager mes réflexions en tant que professionnelle. Vos commentaires sont les bienvenus, dans le respect et le dialogue.

De l’envie à la solitude

Avant d’écrire dans l’optique de publier, je m’essayais au role play sur forums depuis plusieurs années. Cela me permettait déjà de me confronter à l’avis et à la réaction d’autres écrivants. Néanmoins, je restais cantonnée à « la suite de l’intrigue » que mon ou ma collègue rédigeait, et je n’avais alors pas de retour construit sur mes textes.

En 2017, motivée à aller au bout du processus d’édition avec un cours d’écriture créative, j’ai été absorbée par mon envie profonde d’explorer ces histoires émergeant de mon esprit. Complètement seule, je me suis d’abord sentie libre d’avancer comme je le voulais, dans mes propres univers, sans penser aux autres. J’ai d’ailleurs évolué longtemps sans me soucier de retoucher mes productions.

Heureuse de pouvoir choisir mon rythme, sans culpabilité, suivant mes propres règles et des conseils d’écriture trouvés en masse sur Internet, je pouvais profiter de la plénitude de l’écriture d’un premier jet. Introvertie, la solitude ne m’a jamais dérangée. Et puis… je n’étais pas vraiment seule, mes personnages étaient là. ♥

De la solitude à l’expertise

Là où ma démarche a changé, c’était lors de ce cours, où nous étions encouragé·e·s à partager nos chapitres au fur et à mesure. Ce n’est pas une démarche qui m’a gênée car, comme je l’expliquais dans cet épisode de podcast, j’avais déjà fait relire un texte à mes 18 ans. Mais je crois que je n’étais pas préparée au travail qui m’attendait…

Jusqu’ici, écrire seule et m’immerger dans mes histoires me convenait parfaitement. Je pensais, en plus, que suivre les conseils génériques trouvés sur Internet à l’époque (notamment sur YouTube) me dispenserait d’un travail éditorial. Que nenni ! Non seulement, mes textes méritaient un bon nettoyage en terme de style, mais aussi une bonne réécriture sur le fond.

J’ai énormément retravaillé le début de Les Inséparables grâce aux retours de la prof et je ne compte plus le nombre d’allers-retours qui ont été nécessaires avant qu’elle n’estime le texte satisfaisant. C’était dur pour moi qui n’avais jamais retouché un seul texte de ma vie. Je peux le dire maintenant : mon ego a pris un sacré coup.

De l’expertise à l’alpha-lecture

C’est pourtant grâce à ces retours que mon texte a véritablement déployé ses ailes et que j’ai trouvé la motivation de continuer l’écriture du premier jet. Plus tard, en trouvant d’autres espaces pour partager mes tapuscrits en cours de rédaction, j’ai découvert le nom de cette démarche : l’alpha-lecture.

Je la définirai ainsi, en tant qu’autrice : la lecture de mon texte, au fur et à mesure de son écriture, par des personnes tierces (lecteur·ice·s, auteur·ice·s, etc.). Le principe veut que ces personnes annotent le texte dans le but de souligner ce qui pourrait être amélioré, sur la forme (orthographe, syntaxe, grammaire) comme sur le fond (incohérences dans l’intrigue, suggestions). Ceci n’a rien à voir avec une correction professionnelle et, la plupart du temps, cette lecture se fait de manière bénévole.

Ayant gardé contact avec des ami·e·s du role play, j’ai souvent pratiqué l’alpha-lecture sans m’en rendre compte. Mes lectures, mon écriture et ces découvertes avant publication m’ont permis de constater qu’un texte franchit plusieurs étapes avant d’être publié. Et que non, je ne pourrai jamais l’être si je restais dans mon coin, avec comme seul point de vue le mien.

De l’alpha-lecture aux échanges

J’ai vite pris conscience que ce n’était que comme cela que mes romans pourraient développer leur plein potentiel. Parce que donner son texte à relire une fois qu’il est achevé, c’est bien, mais pouvoir rectifier des erreurs en amont pour faciliter le travail de toute une équipe, c’est mieux !

Avant même d’en arriver là, j’ai remercié les retours de cette prof qui allait dans le détail, qui me poussait dans mes retranchements, qui me challengeait. Grâce à elle, mes personnages ont trouvé leur voix, les comportements ont gagné en substance, ma narration s’est améliorée, et l’intrigue a trouvé une profondeur que je ne soupçonnais pas.

Sans alpha-lecture, le risque est également plus élevé que la ou le bêta-lecteur·ice tombe sur davantage de mauvaises surprises. Dans ce cas, il est plus difficile et décourageant de modifier la moitié du texte à cause d’une incohérence, par exemple, que la modifier en cours d’écriture.

À côté de cela, une fois l’ego mis de côté et les conditions clairement établies par l’auteur·ice et l’alpha-lecteur·ice, les échanges autour du texte (et notamment autour des interprétations) font partie des discussions les plus intéressantes que j’ai partagées.

Depuis, j’ai publié 3 romans et j’en ai 30 autres à écrire. Parce que j’ai connu des équipes diverses et variées d’alpha- et de bêta-lecteur·ice·s, je tente toujours d’apporter un service de qualité à mes collègues. Je crois sincèrement que tout le monde trouve son compte dans cette démarche.

Des échanges à la communauté

Comme dans tout métier, il nous est parfois nécessaire de faire des pauses, de discuter et décompresser. Le monde du livre est devenu très dense, exigeant, pesant. Se retrouver entre auteur·ice·s bienveillant·e·s permet de relativiser et de trouver du soutien.

Aujourd’hui, ce ne sont pas toujours les mêmes gens qui alpha-lisent mes romans, et je veille à ce qu’il y ait des lecteur·ice·s lambda, des fans du genre, et des écrivain·e·s qui puissent m’apporter suffisamment de matière pour rendre mon texte meilleur.

Certain·e·s disent que l’éditeur·ice a le dernier mot. C’est vrai dans les faits, mais faux sur le fond. Personnellement, même si j’en ai eu l’envie au début, je n’écris plus pour plaire à des maisons d’édition. Dès lors, faire lire mes textes en avant-première à des personnes concernées prend tout son sens, car elles me liront avec l’intérêt de l’histoire, du développement des personnages ou de l’univers.

Ces alpha-lectures croisées m’ont aussi permis de rencontrer énormément de collègues, dont une poignée sont devenu·e·s des ami·e·s. Et puis l’année passée, j’ai ouvert mon propre serveur Discord, où tout le monde qui aime écrire est bienvenu·e afin d’échanger sur ses inspirations, ses angoisses, ses déboires, ses réussites.

J’ai la conviction qu’on ne peut pas avancer complètement seul·e dans l’écriture, tout comme on ne peut pas avancer complètement seul·e dans ce monde. C’est en côtoyant les autres qu’on peut avancer, évoluer, et grâce à cette solidarité qu’on peut finir par avoir le succès que l’on mérite.

Parlez-moi de votre parcours en commentaires, c’est toujours un plaisir de vous lire.

Et à bientôt entre nos lignes. ♥

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