Les réseaux sociaux et moi

Cet article est connecté à mon analyse plus meta, sortie la semaine passée.

Chers amis des mots,

On se retrouve comme promis pour le deuxième article (je l’espère) d’une longue série. Et puisque j’ai décidé de m’éloigner un peu des réseaux sociaux, je me suis dit qu’une rétrospective sur mon rapport à ces derniers serait intéressante.

De l’innocence au contact

Les réseaux sociaux sont entrés dans ma vie lorsque j’étais adolescente. À l’époque, on était plutôt branché·e·s Skyblog et messageries instantanées (des fans de MSN, ici ? 👋🏻) ; eh ouais, WhatsApp n’existait pas et les SMS coûtaient bonbon !

Puis, Facebook est arrivé avec son lot de discussions, de liens familiaux retrouvés, de débats agressifs et sans issue. J’ai eu mes petits moments où je racontais toute ma vie, et des moments où j’ai voulu révolutionner le monde en créant des groupes.

Plus tard, j’ai aussi partagé des extraits de mes écrits en cours, en renvoyant mon potentiel lectorat vers la plateforme Scribay et mes chapitres de Les Inséparables. Comme ça n’a jamais « marché » à l’échelle désirée, j’avoue avoir assez vite décroché de cette plateforme. Mais j’y étais, comme tout un chacun, et ça m’a permis de socialiser à plusieurs égards.

Du contact à la lecture

Mon univers a basculé en décembre 2018, quand je suis arrivée sur Instagram. D’abord, cette application m’a aidée à partager mon quotidien de lectrice. À peine sortie de mon burn-out, j’ai découvert Bookstagram avec un émerveillement démesuré ; ces photos de bouquins étaient magnifiques !

Très vite, j’ai eu envie de faire pareil, parce que partager a, finalement, toujours été mon but. Malheureusement, très vite également, j’ai déchanté. À mon sens, mes photos à moi étaient toujours moins bonnes que celles des autres. Pire, ça n’allait jamais dans le sens que je voulais : la lumière, la composition, les filtres, la place dans le feed.

La seule chose qui me plaisait et sur laquelle je me sentais légitime, c’était la rédaction des chroniques. J’allais vraiment dans le détail, pendant et après ma lecture, afin de fournir à l’auteur·ice un retour complet sur ce que je pensais de son œuvre.

Pourtant, là encore, j’étais frustrée, parce qu’Instagram restreignait le nombre de caractère en-dessous des publications. J’ai donc créé ce blog pour mettre en ligne mes chroniques entières, et seulement des résumés ainsi que la note sur le réseau.

Spoiler alert : ça n’a pas marché non plus. 8D

De la lecture à la pression (financière)

Majoritairement, ça n’a pas marché (j’entends par-là « amené de l’engagement ») parce que je ne lisais pas de livres au succès phénoménal. Non, moi je lisais de petit·e·s auteur·ice·s auto-édité·e·s ou des publications de petites maisons d’édition. Résultat : très peu d’interactions.

J’ai tout de même persévéré, parce que j’avais un ou deux commentaires et que la joie d’un·e auteur·ice content·e de mon retour suffisait à me rendre heureuse.

Il y en a un, par contre, qui n’était pas content : mon porte-monnaie. Parce que faire partie du Bookstagram, c’est avoir envie de consommer À MORT. Les chroniques, les vidéos, l’effervescence autour des sorties, les visuels sublimes… C’est comme des bonbons (ou du fromage dans mon cas), impossible d’y résister !

En-dehors de l’écriture, la lecture était mon loisir principal, ma passion. Alors, j’ai acheté, acheté, et acheté encore. De 60 livres dans ma bibliothèque, je suis passée au double en moins d’une année, arpentant les librairies et les salons littéraires. J’étais salariée et économe, donc je cédais à chaque tentation.

En parallèle, une angoisse et une pression sont nées : celles de devoir poster régulièrement pour gagner en followers, en engagement, et donc en échanges (c’est ce que je pensais à l’époque). Je n’ai jamais autant lu qu’entre 2019 et 2021, et jamais autant stressé de voir cette bibliothèque pleine à RAS BORD.

De la pression au métier

Je me suis laissée déborder par l’envie de lien à travers cette passion, au point que les statistiques sont devenues une sorte d’obsession. Avec mon hypersensibilité (sur laquelle j’ai posé un mot grâce à Instagram, on lui doit au moins ça), j’ai eu énormément de mal à gérer cette pression.

Dans un même temps, j’ai terminé mon premier roman, l’ai envoyé en maison d’édition, et ai reçu une réponse positive en août 2020, qui a donné lieu à la signature d’un contrat. Sensibilisée à la précarité des auteur·ice·s, j’ai commencé à me dire qu’il me faudrait m’investir pour la promotion de Les Inséparables si je voulais que ça marche.

Ma bascule mentale s’est faite à ce moment-là : je n’aurais jamais le temps de parler de lectures (en plus, j’avais des chroniques en retaaaaard) ET de mon activité d’autrice. C’est donc le mal dans l’âme que j’ai décidé de me faire accompagner pour communiquer sur mes projets d’écriture et de poser ma casquette de bookstagrameuse.

Du métier à la communication « parfaite »

J’ai d’abord été soulagée, et surtout concentrée à affronter la pandémie mondiale qui nous a affecté·e·s. Accuser le coup d’une publication repoussée trois fois et décider quoi faire en attendant fut mon terrible dilemme ; oui, parce qu’étant sous contrat, je n’avais pas toute ma liberté.

Alors, je me suis « formée » et faite accompagner pour tenter d’évoluer au mieux dans notre système capitaliste, tandis que je n’avais encore rien à ventre. J’ai appris certaines bases du marketing, appris aussi qu’il y avait des façons de poster pour que ce soit efficace. Mais aussi appris, après deux longues années et deux accompagnements, qu’Instagram changeait d’avis régulièrement, et que s’il souhaitait bannir mon contenu, il le ferait sans me le demander.

Du perfectionnisme au mal-être

J’ai traversé plusieurs épreuves éditoriales, expérimenté l’auto-édition, atteint ma limite professionnelle en tant qu’assistante sociale, subit des problèmes de santé sévères (les miens et ceux de mes proches)… Pourtant, c’était à chaque fois que je produisais du contenu pour Instagram que j’allais le plus mal.

Qu’importe quand elle avait lieu, je ressortais de cette session de travail épuisée, insatisfaite d’avoir pu prendre si peu d’avance sur mon planning, les épaules tellement crispées que mon ostéopathe n’arrivait pas à travailler ma nuque pour apaiser ma douleur.

Il m’a fallu deux longues années, deux crowdfundings éreintants, et l’ouverture d’une entreprise plus tard pour enfin entendre que je ne pouvais plus continuer comme ça. Je ne pouvais plus donner autant d’importance à une plateforme qui montrait 10% de mon contenu et qui changeait d’algorithmes toutes les deux semaines.

Cette prise de conscience, je l’ai eue non seulement à cause de toutes ces affections physiques et mentales. Elles étaient déjà là avant, mais Instagram a fait ressortir leurs penchants les plus sombres, sans jamais me permettre de faire preuve de résilience, comme dans la vraie vie.

Et au-delà de ces affections, d’ailleurs, j’ai fait une analyse plus pragmatique et chiffrée des choses. Mes ventes de livres, je les fais en salons face à vous. Vous n’achetez que rarement mes bouquins parce que vous m’avez « vue sur Instagram« , vous les achetez parce qu’ils vous inspirent et vous appellent, là, alors qu’on vient de se rencontrer.

À quoi bon donner autant d’énergie pour 50 personnes sur 700 qui voient mes stories et ne me parlent pas ? Il vaut mieux continuer d’écrire, de passer mes messages, puis utiliser ce lien précieux et direct qui nous caractérisent nous, êtres Humain·e·s… non ?

Du mal-être à la thérapie

Même si fin 2024 a été marquée par ma décision de m’éloigner d’Instagram, ce n’est pas fini. La preuve, je ne pars pas (encore) tout à fait. Bien sûr que ce réseau m’a amené à rencontrer d’autres auteur·ice·s formidables, à renforcer des amitiés, à faire bloc puis à m’indigner avec d’autres sur des causes importantes, et à échanger avec d’autres lectricteur·ice·s passionné·e·s. J’en suis ultra reconnaissante.

Cependant, lorsque je pèse le pour et le contre, les cicatrices héritées de cette bataille tirent toujours un peu. Dans ces deux années de charge mentale importante, je me suis autorisée à me soigner vraiment, en voyant des thérapeutes. Elles m’ont guidées à enfin considéré mon corps, le grand oublié de cette histoire en toute virtualité.

Ce soin, cet accueil extérieur et intérieur, je continue de l’appliquer sur mes plaies, même si elles sont refermées. Car, dessous, se cachent encore le traumatisme d’avoir été emportée très loin de mes convictions, d’avoir été entraînée ailleurs que vers des pensées positives.

De la thérapie à ma vérité

Aujourd’hui, je n’ai pas un rapport serein avec les réseaux sociaux, mais je sais que j’arriverai à partir du jour au lendemain si on viole encore mon intégrité. Ici, j’ai parlé d’Instagram, alors qu’il s’est aussi passé des choses terribles pour moi sur WhatsApp, par exemple. Tous les jours, on entend les gens hurler parce que les multi-milliardaires nous volent nos moyens d’expression en restant des vieux-cons-riches.

Je conclurais cet article avec ces questions pour ma génération : comment faisions-nous avant ? Enfants, adolescent·e·s, jeunes adultes. Sur nos écrans, il n’existait que le jeu Serpent, alors à quoi ressemblaient nos discussions ? C’est ça, que je veux retrouver. Et même si les réseaux révèlent souvent des vérités cachées par les médias mainstream, ils ne suffisent pas à agir.

L’impact est dans nos rapports directs, dans nos solidarités, même les introverti·e·s comme moi vous le diront. C’est ça qu’il nous faut retrouver. Une considération réelle de l’autre et de soi.

Dites-moi ce que vous en pensez en commentaires, pour qu’on puisse échanger. 😉

À bientôt entre nos lignes. ♥

4 commentaires sur « Les réseaux sociaux et moi »

  1. Fan de MSN! Au rapport! 😁 Merci pour cet article très enrichissant. Sans avoir un parcours aussi marqué que le tiens sur les RS, ce que tu décris me parle.

    Pour moi, le problème est plutôt le temps d’écran. J’utilisais peu Instagram et Facebook à la base. Quand je me suis lancé dans l’écriture, en 2018, j’ai même quitté FB parce que je ne l’utilisais pas.

    Et puis… en décembre 2019, j’ai découvert les Reels et je me suis fait happer par la chose. Jusqu’à, parfois, baver 2 heures de suite devant ces vidéos. Du temps volé sur la lecture, sur l’écriture et sur plein d’autres choses. Mais, une petit app pour limiter le temps passé sur Insta et un peu de résolution aidant, je n’ai pas regardé de Reel depuis 2 mois. Espérons que ça dure.

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    1. Héhéhé vive MSN !
      Merci pour ton retour très enrichissant lui aussi. Tu as parfaitement raison sur le temps d’écran global.
      Qu’est-ce que tu utilises comme appli pour bloquer ? Est-ce qu’elle est payante ?

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      1. Déjà, j’ai aucune application sur mon écran d’accueil. Comme ça, quand je dévérouille mon téléphone, j’ai pas d’icone qui m’attire 😄. Ensuite, j’ai viré toutes les app type 20 Minutes, RTS Info, etc. Pour le temps d’écran j’utilise Jomo (iOS uniquement). Il est payant, mais pas trop cher (CHF 30 par année). En gros, du lundi au vendredi, mon téléphone est en mode «brique» (uniquement WhatsApp, le navigateur web et les applications utilitaires type CFF ou e-banking sont autorisées). Instagram est limité à 20 minutes par jour et 3 ouvertures. Après, j’avoue que j’utilise Inst sur l’ordinateur quand il s’agit de gérer mon compte, car 20 minutes ne suffisent pas forcément lorsque tu publies du contenu. Pour le moment, en tout cas, c’est efficace. J’ai divisé par deux mon temps d’écran smartphone par rapport à 2024.

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      2. Waou, mais quel soin tu mets sur ta consommation d’écran. Bravo ! Je m’en vais réfléchir à la mienne et voir comment je pourrais installer cette rigueur. Je crois que j’en ai fort fort besoin. ♥

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