Chers amis des mots,
En mai 2018, au Salon du Livre de Genève, j’ai assisté à une discussion intéressante sur le fait de « Raconter l’apocalypse ». Manon Fargetton, que je ne connaissais pas jusqu’ici, présentait à cette occasion son roman « Dix jours avant la fin du monde ». Je me rappelle que la couverture m’avait parlé et aussi que j’avais besoin de digérer un peu avant d’acheter son livre. Puis je m’en suis rappelée des mois plus tard et me suis jetée dessus. Il est sorti en 2018 chez Gallimard Jeunesse, je suis donc un peu en retard. Mais je ne regrette pas de m’y être plongée en ces temps obscurs.
Bref synopsis personnel : C’est l’histoire de deux lignes d’explosions qui ravageront la France dans dix jours. Et comme dans toute bonne fin du monde, des gens se rencontreront dans l’urgence, tisseront des liens solides, des liens qui compteront tout autant que ceux que l’on construit dans la banalité de tous les jours.
Sujet/Résumé : Le résumé et cette conférence ont attiré mon attention sur l’ouvrage. Ce premier est bref, questionne le lecteur. Il accroche. 6/6
Narration : Dix jours, c’est court. Ainsi, le roman commence sans perdre de temps avec l’annonce cruciale du récit. La narration est très accessible, les mots sont simples. L’auteur utilise un point de vue à la troisième personne, mais cela n’empêche pas l’immersion dans la tête de chacun des personnages. Ils ont tous une voix, un vécu si différent, que j’ai eu l’impression de lire de la première personne. Elle alterne aussi astucieusement entre dialogues, descriptions et passages plus narratifs (roman de Gwenaël). À aucun moment je n’ai trouvé le temps long. Dans un même temps, les personnages et l’environnement sont si visibles dans mon esprit que j’ai l’impression d’avoir passé des semaines avec eux. Bravo !
J’aurais presque vu ce roman en « adulte », il aurait gagné en profondeur. 5/6
Ambiance et Environnement : Le bas blesse un peu en termes d’environnement. Du moins, pour les lecteurs friands d’instants contemplatifs et d’exposition prolongée. Pour ma part, bien que je ne vive pas où évoluent les personnages, je n’ai pas eu de peine à imaginer leur monde. Là où, à mon sens, l’auteur nous convainc, c’est du côté des personnages. Par les dialogues, leurs échanges et leurs actes, on dessine leurs contours et leurs sentiments. Plusieurs fois, je me suis surprise à être essoufflée après la tension ou émue par le bruit de la mer.
Tout du long, on sent le compte à rebours défiler, on imagine qu’ils ne s’en sortiront pas, que la fatalité arrivera. L’originalité d’un récit post-apocalyptique avant l’apocalypse : chapeau.
À travers un récit qu’on pourrait penser vu et revu, Manon Fargetton traite de thèmes forts et actuels (Alzheimer, le suicide, la parentalité, l’amour, l’écriture, les liens familiaux, le don de soi, …), qui percutent et qui ne se laissent pas submerger par la fin du monde. De-ci et de-là, elle laisse des petites touches de poésies qui m’ont volé des sourires et deux petites larmes. 5/6
Personnages : Comme je l’ai dit plus haut, c’est le point fort du roman. Il y a ce personnage déconnecté auquel, malgré ce qu’on peut dire de lui, je me suis beaucoup identifiée. Il aime et droit écrire, c’est son rôle, son oxygène. À côté de ça, il y a Sara, que j’ai d’abord trouvée trop lisse, puis trop irrespectueuse et enfin trop adorée (pas ma favorite du tout, vous l’aurez compris). Viennent Lili-Ann et Béatrice, dont j’ai trouvé les interventions solides, pertinentes, claires et fortes. Puis Brahim et Valentin… mes deux coups de cœur. Parce qu’ils sont opposés et si proches. Parce que le premier représente l’altruisme à 10’000% et le second la torture, la culpabilité (impossible de ne pas penser à Sébastien, de mon premier roman). Ce cocktail saupoudré de personnages secondaires merveilleux, comme Ninon et Max, le plus joli duo. ♥
Ils sont également sublimés par l’intervention de leurs parcours, mais aussi de leurs passions. L’écriture, la musique, puis le rêve, le jeu, le flirt, le mensonge, la honte, l’amour… Je me répète un peu. La beauté de ces liens tourne dans ma tête.
Évidemment rien n’est parfait. J’avoue avoir trouvé la « solution » capilotractée. Je n’ai pas non plus aimé le côté spirituel trop intense, le côté prophète donné à Gwenaël, même si cela lie les personnages entre eux. L’ajout du fantastique, à mon sens, n’était pas nécessaire, des clin d’œil auraient suffi. Et puis je n’ai pas réussi à aimer Sara.
Mais… Au-delà de cela, j’ai aimé que le malheur d’Alzheimer devienne dérisoire. Que ce lien fort et indestructible par les mots existe. Que le don de soi soit honoré, même si c’était super dur. Que les générations se rencontrent. Et enfin la dernière phrase de la page 143, la fin de la page 168, l’évidence qui m’a poignardée à la page 252, la page 334 et ce que je crois profondément à la page 364. Les notes et la poésie des pages 400 et 419. 5.5/6
Fin surprenante ? Comme je l’ai dit plus haut, la « solution » m’a semblé beaucoup trop évidente, trop facile et malheureusement pas cohérente avec le concept original de l’histoire. Tout de même, l’auteur m’a surprise en bien avec la mort de l’un des personnages. Cela n’aura pas sustenté la lectrice qui aime les fins ouvertes… C’est comme si Manon Fargetton laissait de nouvelles questions apparaître sur la dernière page. En ce point, la fin est surprenante, mais pas forcément dans le bon sens. 3.5/6
Moyenne : C’était une belle lecture. Elle souligne des sujets évidents, qui traversent notre quotidien. Tout du long, on est entraîné et tenté de trouver les réponses, la résolution de ces problèmes. On se laisse porter par l’envie de plonger, on manque d’air. On en ressort plus grand, plus fort. Et je peux dire que ces six personnages continueront à vivre en moi longtemps, dans ce monde que je leur ai imaginé grâce à ce récit. 5/6
Avez-vous déjà lu « Dix jours avant la fin du monde » ? Qu’en avez-vous pensé ? Appréciez-vous les romans qui parlent de fin du monde ? Lesquels vous ont transportés ?
En attendant vos avis et impressions, je vous dis à très bientôt entre nos lignes. ♥
Un avis sur « Dix jours avant la fin du monde – Manon Fargetton »